Droit d'asile

Le mot asile provient du grec ancien ασυλον «que on ne peut piller» et du latin asylum «lieu inviolable, refuge». Par référence à la Rome antique, il est défini par Bersuire en 1355 comme «lieu ou un bois en la cite de Rome previlegié que quiconques...


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  • La défense du droit d'asile est inscrite dans le mandat de l'ACAT depuis 2000.... Il ne faut pas confondre un réfugié et un demandeur d'asile.... (source : acatfrance)


Le mot asile provient du grec ancien ασυλον (asylon) «que on ne peut piller» et du latin asylum «lieu inviolable, refuge». Par référence à la Rome antique, il est défini par Bersuire en 1355 comme «lieu ou un bois en la cite de Rome previlegié que quiconques s'enfuioit en celi lieu il estoit saux de quelque crime qu'il eust fait» et , par extension, Scarron en 1657 évoque comme asile «tout lieu où on se met à l'abri d'un danger»[1]. C'est au XIXe siècle que le sens se modifie pour désigner des établissements d'infirmes, de vieillards et d'aliénés... établissements d'accueil et de bienfaisance mais également de mise à l'écart et de confinement. La notion devient alors ambivalente, pouvant signifier des valeurs diamétralement opposées d'hospitalité ou de mise à l'écart.

Le droit d'asile ancien, suivant une tradition millénaire, était le droit d'une autorité (religieuse, politiques... ) ou d'un établissement (temple, église... ) de pouvoir accueillir sur son territoire toute personne de son choix. Le droit d'asile moderne, émerge lentement aux XVIIIe, XIXe et en particulier XXe siècles, comme une valeur éthique voir politique, quelquefois inscrite dans le droit, tendant à accorder aux personnes injustement menacées le bénéfice d'un refuge pour se protéger provisoirement voir (re) faire durablement leur vie en exil.

Le droit d'asile comme valeur est à distinguer du droit de l'asile[2] : ensemble de règles juridiques (internationales, nationales, législatives, jurisprudentielles... ) qui mettent en œuvre l'idée d'asile telle qu'elle se conçoit à chaque époque et dans chaque pays.

Droit d'asile ancien (Antiquité, Moyen Âge)

Au contraire de une idée reçue le droit d'asile moderne a peu de liens avec celui de l'Antiquité et du Moyen Âge[3] :

  1. le droit d'asile ancien correspond à un privilège du protecteur et non du protégé ;
  2. il peut bénéficier aux criminels de droit commun tandis que l'asile moderne les exclut de son champ de protection.

Antiquité : origines du droit d'asile

L'asile païen

Dans la Grèce ancienne, celle des guerres incessantes entre cités, l'Asylon des temples («ασυλον» (asylon), du α privatif + συλάω piller : «que on ne peut piller», où on ne peut prélever de butin, inviolable) avait pour conséquence de mettre hors de portée des envahisseurs grecs prenant une autre cité grecque les bâtiments et biens dévolus aux cultes des dieux de l'Olympe. L'Asylon est alors principalement le privilège d'une caste de prêtres qui construit idéologiquement son immunité au sein du monde grec par delà les clivages politiques qui amènent les cités à se faire la guerre.

Dans la Rome ancienne, l'asile a pu apparaître comme l'origine et la raison d'être d'une cité nouvelle : un espace de refuge, à distance géographique, sociale ou politique d'une domination urbaine ; un espace de refuge et regroupement des parias poursuivis qui reconstruisent ailleurs une vie et une ville. Cette forme du droit d'asile apparaît principalement dans le mythe de la fondation de Rome : le Capitole aurait été édifié comme lieu d'asile par Romulus afin d'accélérer le peuplement de la nouvelle cité. Dans le sillage du sens grec, certains temples romains (en particulier des temples localisés en Grèce conquise qui conservaient leurs anciens privilèges), à cause de leur caractère sacré, ont rempli cette fonction d'origine de refuge pour les esclaves, débiteurs, criminels et opposants recherchés[4]. Néanmoins, on constate que la République romaine puis l'Empire ont plutôt cherché à limiter largement le nombre de ces lieux refuge, considérant que le droit d'asile était incompatible avec leur vision de la justice et du maintien de l'ordre[5].

Naissance du droit d'asile chrétien

C'est à la fin du IVe siècle après J. -C., tandis que le christianisme est l'unique religion tolérée dans l'Empire romain (suite à l'Édit de Thessalonique en 381), que le droit d'asile ancien se christianise. Il est dans un premier temps un fait populaire : des individus se réfugient spontanément dans les églises chrétiennes et les cas se multiplient[6]. Face à un phénomène qui s'augmente et grâce à l'action des Pères de l'Eglise (qui élaborent une théorie du droit d'asile chrétien), le pouvoir séculier est conduit à officialiser ce nouveau droit, surtout par la Constitution du 21 novembre 419, puis par le Code Théodosien. La loi stipule alors, que tout individu est admis a trouver refuge dans les églises chrétiennes s'il cherche à échapper à un quelconque poursuivant, qu'il s'agisse d'un spécifique ou d'un agent de l'Etat. Néanmoins, rapidement, deux catégories de personnes sont exclues du droit d'asile : les esclaves, qui n'ont pas d'identité juridique, et les débiteurs du fisc, car l'Etat refuse de les laisser filer.

Moyen Âge : vers l'âge d'or du droit d'asile chrétien

Anneau du droit d'asile sur une porte de la cathédrale Notre-Dame de Paris (France).

L'époque romano-barbare

Les grandes migrations germaniques ne font pas disparaître le droit d'asile chrétien. Qu'ils soient païens (Francs) ou ariens (Ostrogoths, Wisigoths, Burgondes), tous reconnaissent le droit d'asile chrétien, selon le principe de "personnalité des lois" : chaque peuple soumis conserve ses propres lois et continue de les appliquer. Ainsi, dans les différentes parties de l'ancien Empire romain d'Occident, les évêques romains continuent de faire appliquer le droit d'asile et le réaffirment régulièrement au sein des conciles (Concile d'Orléans, sous le Franc Clovis en 511 - Concile d'Épaone, sous le Burgonde Sigismond en 517 - Concile de Tolède, en 638 - entre autres). Les peuples germaniques ne s'excluent eux-mêmes jamais de ce droit et leurs conversions progressives au catholicisme les incitent à faire entrer ce droit dans la législation civile.

Selon les trois premiers canons du Concile d'Orléans de 511, tout fugitif, meurtrier, adultère, voleur, qui se réfugie dans une église, ou ses dépendances, ou dans la maison d'un évêque, est protégé par le droit d'asile :

  1. on ne peut l'en faire sortir de force ;
  2. il peut négocier une indemnisation avec les personnes auxquelles il a nui ;
  3. ses poursuivants doivent jurer sur l'Évangile qu'ils ne tenteront pas d'obtenir une vengeance.

Ce droit concerne aussi le rapt, si la victime (homme ou femme) y consent. L'esclave en fuite ne sera rendu à son maître que si ce dernier jure sur l'Évangile de ne pas sévir. Le droit d'asile ménage ainsi toujours une possibilité d'échappatoire pour tous, même les criminels. Cet asile est inviolable : même s'il est parfois enfreint, ceux qui ne le respectent pas sont toujours l'objet de la réprobation.

Charlemagne et le droit d'asile

Le règne de Charlemagne sur une partie de l'Europe occidentale (voir Empire carolingien) marque une période de rigueur pour le droit d'asile chrétien. Le nouveau souverain n'entend pas être contrarié dans sa fonction de justicier. Ainsi, le droit d'asile des esclaves reste aussi restreint qu'aux époques précédentes. Mais Charlemagne considère aussi que les individus reconnus coupables d'un crime quelconque ne peuvent bénéficier du droit d'asile : seuls les innocents et les individus en attente de procès peuvent espérer pouvoir se réfugier légalement dans une église.

Le Moyen Âge classique

Avec le morcellement de l'autorité royale dès la fin du IXe siècle, le droit d'asile tend à perdre son caractère systématique. L'idée d'une protection universelle conférée par n'importe quel édifice religieux perd du terrain. Le droit d'asile devient un privilège, conféré individuellement à tel ou tel établissement ecclésiastique par les souverains ou quelquefois par le Pape. L'asile dure tant qu'une promesse d'impunité n'a pas été apportée mais certains ne peuvent s'en prévaloir : brigand notoire, malfaiteur, puis progressivement les Juifs, les hérétiques et les excommuniés[7].

Dans le même temps, de nouvelles formes de refuge sacré voient le jour avec le mouvement de la Paix de Dieu, au XIe siècle. Parmi ces nouveaux espaces, les plus connus sont les sauvetés, apparues principalement en Gascogne. Le mouvement de la Paix de Dieu est l'occasion pour les évêques de réaffirmer, dans les conciles du XIe siècle, le principe du droit d'asile. Il est surtout progressivement étendu aux socles des croix de carrefour et de chemin (canon du Concile de Clermont en 1095). Progressivement, une population d'«indésirables»[8] se forme autour des sanctuaires.

Le Bas Moyen Âge

Déclin du droit d'asile chrétien dans le royaume de France

Sous l'impulsion des légistes, pour lesquels rien ne doit pouvoir se soustraire au pouvoir royal, le droit d'asile s'éteint à partir du XVIe siècle, surtout par l'ordonnance de Villers-Cotterêts sous François Ier, et n'est progressivement plus reconnu par les tribunaux.

Droit d'asile moderne : un droit du réfugié

Le droit d'asile comme droit du réfugié apparaît récemment[9], principalement au XXe siècle. Quelques formulations ambivalentes apparaissent aux XVIIIe et XIXe siècles mais le droit d'asile reste toujours l'apanage d'une puissance souveraine accueillant les personnes de son choix selon ses intérêts surtout politiques et diplomatiques.

Un droit improbable (XIXe)

En France, par exemple[10], le droit d'asile peine à trouver sa place parmi les droits fondamentaux au sommet de la hiérarchie des normes : il n'est pas énoncé dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789... mais uniquement dans le texte exceptionnel de la Constitution de 1793 dont l'article 120 indique que le peuple français «donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans». L'énoncé est ambivalent : d'un côté, il évoque le droit d'asile ancien, symbole d'une autorité vis à vis des autres (ici la République contre des Monarchies européennes menaçant le régime issu d'une révolution régicide)  ; de l'autre côté il préfigure le droit moderne de bénéficiant à certains réfugiés plus qu'à d'autres (les défenseurs de la liberté contre les tyrans). Après cela le droit d'asile ne réapparaît plus à ce niveau de la hiérarchie des normes durant 150 ans, jusqu'à un autre texte marginal : le préambule de la Constitution de 1946, qui retient, parmi les principes «spécifiquement nécessaires à notre temps» que «tout homme persécuté à cause de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République». Cette apparition dans les seuls textes délaissés d'une histoire constitutionnelle est symptomatique : le droit d'asile n'est pas ou peu formalisé juridiquement[11]t et l'action publique reste discrétionnaire[12] On accueille des personnalités ou des groupes de populations selon choix diplomatiques pondérés par des considérations de sécurité intérieure et aussi, quelquefois, de préoccupations de communication politique interne[13].

Le passeport Nansen (1922)

Article détaillé : Passeport Nansen.

L'institutionnalisation sur le plan international d'un passeport pour les réfugiés victimes de guerres, à l'initiative de Fridtjof Nansen, contribue à faire évoluer le sens même du droit d'asile vers un droit du réfugié. Explorateur polaire norvégien, investi dans le cadre de la Société des Nations (SDN) dans l'aide aux prisonniers de guerre, Fridtjof Nansen fonde en avril 1920 le Comité Nansen pour secourir prisonniers et réfugiés de guerres. Le 1er septembre 1921, il devient le premier «haut-commissaire pour les réfugiés» de la SDN. Le 5 juillet 1922, un accord international conclu à Genève crée le «passeport Nansen», autorise des personnes déplacées de retrouver une identité via l'Office international Nansen pour les réfugiés, à l'origine pour les réfugiés russes fuyant la Révolution[14], devenus apatrides par le décret soviétique du 15 décembre 1922 qui révoque la nationalité de l'ensemble des émigrés. Ce document sera reconnu par 54 pays et servira surtout à des centaines de milliers de Russes, Grecs, Turcs et Arméniens pour s'établir dans le pays de leur choix. Pour cette action, il reçoit le prix Nobel de la paix le 10 décembre 1922. Ce dispositif est étendu aux Arméniens qui fuient le génocide en mai 1924, puis, en 1933, aux Assyriens et minorités fuyant l'ex-Empire ottoman.

Exils juifs dans les années 1930

Dès l'accès au pouvoir d'Hitler en 1933 le nombre d'exilés juifs allemands se présentant aux frontières augmente. Aux allemands s'ajoutèrent ensuite des exilés juifs autrichiens, tchécoslovaques et italiens à la veille de la seconde guerre mondiale. En France, à partir de 1934, près de 100 000 exilés juifs arrivent en cinq ans. Grâce aux mobilisations des partis de gauches et d'organisations de solidarité, ils sont en premier lieu assez bien accueillis mais la technocratie ministérielle et économique se montrent ensuite circonspecte[15] : la concurrence que font craindre ces nouveaux venus, qualifiés et efficaces, aux français des professions libérales amènent, sous l'influence des partis de droite, Chambres de commerce et Ministère de l'économie, à considérer ces juifs comme «inassimilables», «pseudo réfugiés» et «réfugiés économiques»[16]. Leurs demandes d'asile sont massivement rejetées et , dès le printemps 1934, les juifs allemands sont arrêtés, expulsés et remis aux autorités allemandes. «la circulaire adressée aux préfets par le ministre de l'Intérieur, à la date du 4 décembre 1934, insiste sur l'obligation d'intensifier les mesures de refoulement et d'expulsion»[17]. L'arrivée de la gauche au pouvoir en 1936 (Front populaire) ne fit que ralentir cette politique sans l'infléchir principalement. Ce phénomène n'est pas spécifique à la France ou à l'Europe, comme l'atteste la tragédie du paquebot Saint-Louis[18].

Déclaration universelle des Droits de l'Homme (1948)  : Art. 13 & 14

L'effondrement moral des pays libéraux tant en Europe qu'aux Amériques face au besoin de protection des juifs durant les années 1930, explique, pour une part, qu'on ait énoncé après la Shoah deux principes connexes et fondateurs du droit d'asile moderne : la liberté de circulation pour trouver refuge dans un autre pays. Il s'agit des articles 13 et 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 texte proclamé par l'Assemblée générale des Nations unies et non cosigné comme traité, mais ayant quelquefois force de droit par l'effet d'autres instruments (ex.  : Convention européenne des droits de l'homme)  :

L'articulation de ces deux articles est principales : le 13-2 forme une condition de la possibilité du 14-1 ; aucun droit d'asile, au sens moderne, n'est concevable sans possibilité de quitter son pays, par conséquent de franchir une frontière internationale et d'entrer dans un autre pays.

Guerre froide et Convention de Genève sur les Réfugiés (1951)

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le continent européen compte des millions de personnes déplacées durant le conflit. Leur pris en charge implique une logistique dont seule les armées disposent. Aussi l'ONU échoue à intervenir avec l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) créée en 1946 et crée dès 1949 une nouvelle fonction auprès du Secrétariat Générale de l'ONU : le Haut Commissaire aux Réfugiés[19]. Ce dernier est chargé de préparer l'élaboration et l'adoption d'un traité international. Trois ans après la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'énoncé des principes fondamentaux paraît loin derrière la complexité des négociations qui aboutissent à l'adoption de la Convention de Genève sur les Réfugiés (1951) [20]. Dans ce contexte selon-guerre, le texte est européo centré et d'ailleurs limité, de 1951 à 1967, à ce continent. Il est marqué par le début de la guerre froide, intense sur le territoire européen scindé d'un «rideau de fer» : le droit d'asile permet d'afficher les vertus du monde capitaliste accueillant les dissidents échappés du communisme. Dans un article 1-A-2 qui reste la clef de voûte du droit de l'asile actuel, ce traité ne définit pas le droit d'asile mais le réfugié : toute personne «qui, par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays…» [21] C'est une définition strictement individuelle du réfugié qui doit faire état d'une persécution personnelle à son encontre pour bénéficier de la protection[22]... ce qui permet une sélection au cas par cas[23]. Cette définition permet aisément d'accueillir les personnalités célèbres fuyant le bloc communiste[24] et attestant ainsi de son échec. Elle n'engage pas les États, pour l'avenir, vers l'accueil de réfugiés affluant en masse. Elle ne dénonce pas, par ses énoncés de principe, la politique à l'égard des juifs entre 1933 et 1939. Elle ne permet non plus de prendre en considération les persécutions genrées des femmes [25].

Protocole de New York (1967)

Durant les vingt premières années de mise en œuvre de la Convention de Genève sur les Réfugiés (1951) , celle-ci ne s'applique - explicitement selon son article 1 A 2 première version - qu'aux évènements intervenus avant son adoption (1951)  : celle clause supprimée en 1971 avait pour effet d'en limiter la portée aux faits survenus durant la Seconde guerre mondiale et au début de la Guerre froide, ce qui réduisait en pratique la notion de «réfugiés» aux seuls réfugiés européens. Ainsi en France, entre 1951 et 1972, les réfugiés reconnus par l'OFPRA sont à 98 % européens, principalement espagnols, russes, arméniens, polonais, hongrois et yougoslaves[26]. Pourtant, les guerres et les persécutions ne manquent pas de se développer sur les autres continents et surtout en Afrique au fur et à mesure où se multiplient les guerres de libération contre les colonisateurs : l'histoire du droit d'asile rencontre ici celle de la décolonisation et celle de la dimension post-colonial du fait migratoire [27]. La décennie des années 1960 est marquée par les mouvements de décolonisation[28] qui inscrivent sur la scène internationale les pays nouvellement libertés. En 1964, l'Organisation de l'unité africaine décide de se doter de sa propre convention sur le droit des réfugiés. Le haut commissaire aux Réfugiés, voyant son autorité menacée, convoque à Bellagio en Italie une conférence d'experts conçus pour étendre le champ de la Convention de Genève sans passer par une conférence internationale qui pourrait remettre en question les autres termes de la convention. Un Protocole additionnel est adopté, dit «protocole de Bellagio» ou «Protocole de New York», rédigé en termes minimaux et adopté presque sans débats par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1967 : il supprime juridiquement la référence temporelle de l'article 1A2. Or, dès ce moment, la majorité des pays occidentaux, commencent à proclamer la fermeture administrative de leurs frontières[29] et , dans ces pays, les taux de rejet des demandes d'asile s'accroissent de manière exponentielle suivant une évolution à la hausse qu'ils suivront jusqu'aux maxima actuels proches des 100 % en Europe[30]. Certains réfugiés originaires de l'Asie du Sud-Est (Boat-people) ou fuyant les dictatures d'Amérique du sud seront bien accueillis toujours dans les années 1970. Mais dès cette époque là, les taux de rejet des demandes d'asile d'origines africaines s'envoleront pour atteindre leurs maxima actuels dès le milieu des années 1980[31]. Cette dimension post-coloniale du rejet des exilés au centre des évolutions ultérieures[32].

Méfiance des États à l'encontre des demandeurs d'asile de 1967 à 2009

En Occident, les demandes d'asile suscitent de plus en plus souvent des décisions de rejet[33], [34]. Certaines personnes qualifient ce fait de "grand retournement du droit de l'asile contre les exilés"[35], disent que les règles du droit d'asile discréditent les exilés tandis que, selon ces personnes, ces règles devraient les protéger[36] et affirment que ces faits s'inscrivent dans un mouvement plus vaste de radicalisation des politiques publiques antimigratoires puis de remontée des nationalismes xénophobes[37] dans les dispositifs politiques européens. Certaines personnes disent que plusieurs phénomènes cumulatifs s'enchaînent historiquement qui expliqueraient une transformation du droit de l'asile en ce qui forme selon elles un droit du rejet :

Certaines personnes disent qu'au terme de ce demi-siècle d'histoire le droit d'asile semble en voie d'extinction[39] comme à la fin du XVIe siècle : ces personnes disent que, comme à la fin du XVIe siècle, la majorité des tribunaux ne le reconnaissent plus et que la quasi-totalité des demandes d'asile sont rejetées[40]. Ces personnes disent aussi que, plus toujours, le droit de l'asile, développé dans les pays limitrophes des pays riches occidentaux, permet de avancer le moment et le lieu de rejet de ces demandes ; cette "externalisation de l'asile"[41] s'accompagne d'une prolifération des camps d'étrangers[42] dans lesquels sont enfermés [43] les exilés en transit ou rejetés[44].

Article détaillé : Externalisation de l'asile.

Bibliographie

Références

  1. Trésor de la Langue française informatisé (TLFi)
  2. ALLAND Denis, TEITGEN-COLLY Catherine, Traité du droit de l'asile, Paris : PUF, 2002. (Collection «Droit essentiel»)
  3. SCHUSTER Liza, «Asylum and the lessons of history», Race & Class, 2002, vol. 44 (2), pp. 40-56
  4. CREPEAU François, Droit d'asile : de l'hospitalité aux contrôles migratoires, Bruxelles : Bruyland, 1995, 424 p.
  5. TIMBAL Pierre, Le droit d'asile, Paris, 1939.
  6. Anne Ducloux, Naissance du droit d'asile dans les églises : ad ecclesiam confugere : IVe-milieu du Ve siècle, De Boccard, 1996.
  7. Pierre Timbal Duclaux de Martin, Le droit d'asile, Édition : Paris, librairie du Recueil Sirey, 1939, p. 229
  8. Régine Pernoud, Les Saints au Moyen Âge - La sainteté d'hier est-elle pour actuellement ?, Plon, Paris, 1984, 367 p., p 202-203
  9. BETTATI Mario, L'Asile politique en question : un statut pour le réfugiés, Paris : PUF, 1985.
  10. Gérard Noiriel, Réfugiés et sans-papiers, La république face au droit d'asile XIXeXXe siècle, Paris : Hachette / Pluriel, 1999.
  11. R. Baclet-Haincque, Réfugiés et asile politique en France depuis la 3e République, thèse d'État en droit, université de Paris-2, 1985.
  12. Michæl Marrus, Les Exclus : le réfugiés européens au XXe siècle, Paris : Calman-Levy, 1985.
  13. F. Moderne, Le Droit constitutionnel d'asile dans les États de l'Union européenne, Paris : Economica, 1998, 174 p.
  14. Catherine Goussef, Immigrés russes en France (1900-1950) Contribution à l'histoire politique et sociale des réfugiés, thèse de doctorat, EHESS, 1996.
  15. Ralph Schor, L'Opinion française et les étrangers 1919-1939, Paris : Publications de la Sorbonne, 1985, «Chapitre IV – L'opinion française et les premières vagues de réfugiés des années trente», p. 613-631.
  16. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (XIXe-XXe siècle) , Paris : Fayard, 2007, pp. 387-391.
  17. Anne Grynberg, «L'accueil des réfugiés d'Europe centrale en France (1933-1939)», in : Les Cahiers de la Shoah n° 1, 1994. TEXTE INTREGRAL EN LIGNE
  18. Diane Afoumado, Exil impossible - L'errance des Juifs du paquebot "St-Louis", Paris : L'Harmattan (coll. Racisme et eugénisme), 2005, 286 p. Voir : PRESENTATION ET CHAPITRE EN LIGNE]
  19. Yves Beigbeder, Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Paris : PUF (Que sais-je ? n°3489), 1999, p. 17 et s.
  20. Cf.  : François Crépeau, Droit d'asile – De l'hospitalité aux contrôles migratoires, Bruxelles : Editions Bruylant, 1995, «Chapitre II : Le droit de l'asile occulté par le droit des réfugiés», surtout p. 70 et s
  21. Convention relative au statut de réfugié, en date à Genève du 28 juillet 1951 ; entrée en vigueur : 22 avril 1954, conformément à l'article 43 ; Nations unies, Recueil des Traités N°2545, Vol 189, p. 137.
  22. VALLUY Jérôme, «La fiction juridique de l'asile», texte publié par Plein Droit - La revue du GISTI, n°63, déc. 2004 (et réédité dans une version plus courte par la revue EspacesTemps - Réfléchir les sciences sociales - n°89/90 2005, republication autorisée sur TERRA, Collection Références : TEXTE INTEGRAL EN ACCES LIBRE]
  23. MORICE Alain, RODIER Claire, «Classer-trier migrants et réfugiés : des distinctions qui font mal», texte publié par la revue Hommes et Libertés - Revue de la Ligue des Droits de l'Homme, n°129, janvier - mars 2005, 58-61 ; republication autorisée sur TERRA, Collection Références : TEXTE INTEGRAL EN ACCES LIBRE]
  24. CARLIER Jean-Yves, HULLMANN K., PEÑA-GALIANO C., VANHEULE Dirk, Qu'est-ce qu'un réfugié?, Bruxelles, Bruylant, 1998.
  25. FREEDMAN Jane, VALLUY Jérôme (dir. ), Persécutions des femmes - Savoirs, mobilisations et protections. Editions Du Croquant, nov. 2007 : UN CHAPITRE EN ACCES LIBRE]
  26. LEGOUX Luc, La Crise de l'asile politique en France, Paris : Centre français sur la population et le développement (CEPED), 1995
  27. BOUBEKER Ahmed et HAJJAT Abdellali (dir. ) Histoire politique des immigrations (postcoloniales) , Paris, Ed. Amsterdam, juin 2008. UN CHAPITRE EN ACCES LIBRE]
  28. LE COUR GRANDMAISON Olivier, La République impériale - Politique et racisme d'État. Fayard, janvier 2009 : l UN CHAPITRE EN ACCES LIBRE]
  29. LE COUR GRANDMAISON Olivier, «Colonisés-immigrés et “périls migratoires” : origines et permanence du racisme et d'une xénophobie d'État (1924-2007)», revue Asylon (s) n°4, mai 2008 TEXTE INTEGRAL EN ACCES LIBRE]
  30. Revue Cultures & Conflits numéro 57 "L'Europe des camps : la mise à l'écart des étrangers" [TEXTE INTEGRAL EN LIGNE http ://www. conflits. org/sommaire1710. html]
  31. LEGOUX Luc, La Crise de l'asile politique en France, Paris : Centre français sur la population et le développement (CEPED), 1995.
  32. DE LAFORCADE Geoffroy, “ ‘Foreigners', Nationalism and the ‘Colonial Fracture'Stigmatized Subjects of Historical Memory in France “, International Journal of Comparative Sociology, 2006, Vol 47 (3–4)  : 217–233
  33. DECOURCELLE, Antoine, JULINET, Stéphane. Que reste-t-il du droit d'asile ?. Paris : L'esprit frappeur, 2000. [réf.  incomplète]
  34. MAILLARD Alain et TAFELMACHER Christophe, Faux réfugiés ? La politique de dissuasion d'asile (1979-1999) , Lausanne, Edition d'En Bas, 1999[réf.  incomplète]
  35. VALLUY Jérôme, Rejet des exilés - Le grand retournement du droit de l'asile. Editions Du Croquant, 20 janvier 2009 : UN CHAPITRE EN ACCES LIBRE]
  36. COURAU Henri, Sangatte. «Plus on parle de Réfugiés, moins on parle d'Hommes», revue Asylon (s) , n°2, novembre 2007 : TEXTE INTEGRAL EN ACCES LIBRE]
  37. revue Cultures & Conflits, Xénophobie de gouvernement, nationalisme d'État, Cultures & Conflits - Sociologie politique de l'international, n°69, printemps 2008. UN CHAPITRE EN ACCES LIBRE]
  38. KOUNTOURIS Nikolas, «La négociation de la politique européenne en matière d'asile. Enjeux, luttes et dynamiques institutionnelles.», revue Asylon (s) n°4, mai 2008 : TEXTE INTEGRAL EN ACCES LIBRE]
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  41. Valluy Jérôme, Contribution à une sociologie politique du HCR : le cas des politiques européennes et du HCR au Maroc, TERRA-Editions, Collection «Études», mai 2007, 74 pages : TEXTE INTEGRAL EN ACCES LIBRE]
  42. BERNARDOT Marc, Camps d'étrangers. Editions Du Croquant, Collection TERRA, mars 2008 : UN CHAPITRE EN ACCES LIBRE]
  43. DIETRICH Helmut, «Le front du désert : des camps européens de réfugiés en Afrique du Nord. «, texte publié en allemand par la revue Konkret (n°12, décembre 2004) puis en anglais par Statewatch et traduit de l'anglais en français pour TERRA, Collection Références par Nadia CHERIF : TEXTE INTEGRAL EN ACCES LIBRE]
  44. KOBELINSKY Carolina, MAKAREMI Chowra (dir. ), Enfermés dehors - Enquêtes sur le confinement des étrangers. Editions Du Croquant, mars 2009 : UN CHAPITRE EN ACCES LIBRE]

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